Vendre sa moto, c’est souvent un soulagement : un projet abouti, une étape franchie, et parfois un déchirement.
Mais voilà qu’un acheteur revient à la charge, vous accusant de lui avoir vendu un véhicule avec un vice caché.
Que faire ? Qui a raison ? Qui doit prouver quoi ? Si vous êtes dans ce cas, pas de panique.
Voici comment vous défendre efficacement, point par point.
Comprendre ce qu’est un vice caché sur une moto
Définition simple du vice caché sur une moto
Un vice caché suppose 3 conditions :
- Un vice : la moto doit être inutilisable ou son utilisation doit être réduite
- Caché : l'acheteur ne pouvait pas le détecter au cours d'un examen normal
- Né avant la vente : le vice doit absolument être né avant la vente. Il s'agit de la condition la plus difficile à démontrer en pratique. Elle nécessite souvent la réalisation d'une expertise judiciaire (à bien distinguer de l'expertise amiable).
Ces conditions sont fixées par les articles 1641 et suivants du Code civil.
Article 1641 : "Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus."
Article 1642 : "Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même."
Exemples concrets de vices cachés sur une moto
- Une fissure dans le cadre, cachée sous la peinture.
- Une panne moteur interne difficile à détecter lors d’un simple essai : segmentation, haut/bas moteur, etc.
- De l'eau à la place du liquide de refroidissement, fissurant ainsi le moteur,
- Un problème d’embrayage empêchant de passer les vitesses correctement et rendant la conduite dangereuse.
Ce qui n’est PAS un vice caché
- Une usure normale (pneus à changer, plaquettes de frein usées).
- Une panne survenue après la vente.
- Un défaut qui a été signalé au moment de la vente.
- Un problème que l'acheteur a pu voir lors de l'achat.
Qui doit prouver le vice sur une moto ?
C’est à l’acheteur de démontrer le vice
C’est à l’acheteur qui se plaint de prouver que le vice 1/ existait avant la vente (ce qui est dur à démontrer), 2/ qu’il était invisible, et 3/ qu’il rend la moto inutilisable ou qui diminue significativement son usage.
Juridiquement, c'est toujours à l'acheteur, qui affirme quelque chose, de le prouver. Ce sont les articles 1353 du Code civil et 9 du Code de procédure civile qui le disent :
Article 1353 du Code civil : "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."
Article 9 du Code de procédure civile : "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention."
Le fait que l'acheteur puisse prouver l'existence du vice est fondamental. Si l'acheteur ne prouve pas l'existence du vice, sa demande de remboursement du prix et de paiement des dommages et intérêts sera rejetée par le juge.
En droit, ne pas prouver ce qu'on dit revient à ne pas avoir de droit.
Le travail principal de votre avocat est donc de réunir les pièces les plus pertinentes et les plus convaincantes pour le succès de vos demandes.
L'expertise technique est obligatoire
L'acheteur doit être capable de prouver que les 3 conditions du vice caché sont remplies. Pour prouver ces 3 conditions, il doit obligatoirement, en pratique, faire réaliser une ou plusieurs expertises techniques.
Il faut un rapport d’expert indépendant ou judiciaire. Un simple devis d’un garagiste ne suffit jamais.
A noter : un rapport établi par un expert d'assurance ne suffit pas selon la loi. Pour contourner ce problème, je vous conseille de faire établir un constat d'huissier et/ou un second rapport amiable. Enfin, la solution la plus sûre est de faire désigner un expert judiciaire par le tribunal.
La première étape : l'expertise amiable
L'acheteur doit faire réaliser un rapport d'expertise amiable.
L'expert pourra être choisi par lui-même ou son assurance.
Il s'agit d'un rapport ayant pour objectif de dégrossir et d'y voir plus clair d'un point de vue technique.
Ce rapport d'expertise amiable est nécessaire pour que l'acheteur puisse demander ensuite au tribunal de désigner un expert judiciaire, qui, lui, pourra examiner en totalité le véhicule.
Ce rapport d'expertise amiable est cependant insuffisant à lui seul. La jurisprudence interdit en effet aux tribunaux de prononcer leur décision au vu d'un seul rapport d'expertise amiable.
Actualité d'octobre 2025: si les faits constatés par l’expert ne sont pas discutés par l'acheteur et le vendeur, le juge peut s’en tenir à cette expertise amiable.
La deuxième étape : l'expertise judiciaire
Le plus sûr est de demander au tribunal de désigner un expert indépendant et impartial. Celui-ci convoquera l'acheteur et le vendeur, leurs assurances et leurs avocats, afin de lister tous les vices, d'en identifier les causes et d'en estimer le coût de réparation.
Son rapport est l'élément le plus fort juridiquement, car il ne laisse presque pas de place au doute.
Cependant, l'acheteur doit avancer les frais de l'expert, qui sont généralement de 4 000 € à 5 000 €, ce qui peut être un frein.
Durant cette expertise, vous et l'acheteur pourrez vous expliquer sur les vices et donner vos points de vue.
Pourquoi un simple avis ne suffit pas
Un message comme “le moteur est mort, vous m’avez arnaqué” ne vaut rien sans preuve sérieuse. L’acheteur doit démontrer ce qu'il affirme, pas vous.
Mon conseil : ne vous laissez pas impressionner par l'insistance et les menaces de l'acheteur et contactez-nous sur-le-champ afin que nous puissions vous guider et vous rasurer.
Comment se protéger dès la vente de la moto
Soyez transparent dès le départ
Mentionnez tout ce que vous savez de la moto : entretien, réparations, pièces changées, éventuels défauts.
Mon conseil : ne pensez pas faire l'affaire du siècle en vendant une moto que vous savez être atteinte de vices. En cas de procès, les frais de justices et les tracasseries absorberont largement ce gain.
Je vous conseille donc de mentionner sur l'annonce de vente tout ce que vous savez sur la moto, et surtout les problèmes connus, car de cachés, ils deviendront apparents pour l'acheteur, qui ne pourra pas actionner la garantie contre les vices cachés. L'acheteur peut cependant se défendre en démontrant qu'il n'avait pas une connaissance précise et total du vice, qui était donc caché pour lui.
Je vous conseille également de garder précieusement la copie de l'annonce publiée.
Conservez tous les documents liés à la moto
- Factures d’entretien
- Contrôle technique (même s’il n’est pas obligatoire)
- Historique de la moto
- Carnet d’entretien
- Échanges de messages
- Annonce de vente
Bref, vous devez garder tout ce que vous avez sur la moto, afin de démontrer votre bonne foi et d'informer pleinement l'acheteur.
Prenez des photos ou vidéos avant la vente
Une preuve visuelle de l’état de la moto au moment de la vente peut faire toute la différence.
Mon conseil : photographiez la moto, réunissez les photos dans un document unique que vous ferez signer et parapher à l'acheteur pour bien attester de l'état dans lequel vous avez remis la moto.
Que faire si on vous accuse à tort de vice caché sur une moto ?
Ne paniquez pas, demandez une preuve sérieuse et fiable
Restez calme et ne reconnaissez pas tout et n'importe quoi dans le but d'être sympathique.
Le mieux est l'ennemi du bien.
Dites simplement : “Je prends note de votre message. Merci de me transmettre tout élément prouvant l'existence du vice, le fait qu'il était caché et qu'il existait avant la vente.”
Mon conseil : ne vous laissez pas impressionner par l'acheteur. Rappelez-vous les articles 1353 du Code civil et 9 du Code de procédure civile : c'est à l'acheteur de prouver le vice caché, pas à vous de démontrer qu'il n'existait pas.
Exigez un rapport d’expertise neutre
Pas question d’accepter un devis de garage. Il faut une expertise indépendante ou judiciaire.
Mon conseil : refusez également les rapports d'expertise d'assurance. Ceux-ci sont souvent rédigés en faveur de celui qui le demande et vous n'avez aucune garantie quant à l'impartialité de l'expert. La seule solution pour y voir plus clair dans le respect de la loi est de réaliser une expertise judiciaire.
Faites constater les éventuelles interventions de l’acheteur
Si l’acheteur a démonté, réparé ou dégradé la moto, cela affaiblit nettement sa position. En effet, dans ces situations, il est possible que l'acheteur soit lui-même à l'origine du vice. Il faut pouvoir constater l’état de la moto dans son jus, pas après intervention.
Vos droits en tant que vendeur d'une moto
Tant que le vice n’est pas prouvé, vous n’avez rien à rembourser
Aucune annulation, aucun remboursement ne peut être demandé sans preuve formelle des 3 conditions suivantes :
- Un vice
- Un vice caché
- Un vice né avant la vente
Ces conditions sont fixées par les articles 1641 et 1642 du Code civil.
Vous pouvez refuser une annulation de vente sans expertise
Tant qu’aucune expertise ne conclut à un vice caché, vous êtes dans votre bon droit.
Mon conseil : vous devez refuser tout remboursement, tant que l'acheteur ne démontre pas l'existence des trois conditions évoquées ci-dessus. Il arrive souvent en effet que des acheteurs tentent leur chance et que leurs gesticulations ne soient que du bluff.
Proposez une expertise amiable si besoin
Vous pouvez proposer une expertise conjointe avec un expert neutre. Cela montre votre bonne foi tout en protégeant vos droits.
Mon conseil : faites désigner un expert inscrit sur la liste de la cour d'appel. Il aura l'habitude de ce genre de procédure.
Les délais à connaître
Délai de 2 ans après la découverte du vice
L’acheteur a 2 ans à compter de la découverte du défaut pour agir.
C'est un délai très court.
Mon conseil : un adage de la profession d'avocat indique qu'"en défense, on n'est jamais pressé". Laissez le temps jouer en votre faveur. Si l'acheteur n'agit pas à temps, vous gagnerez sans rien faire.
Prescription maximale de 20 ans
Même si un vice est découvert tard, il ne peut être invoqué au-delà de 20 ans après la vente.
Un délai dépassé = demande irrecevable
Un acheteur qui agit trop tard perd ses droits automatiquement. On dit que ses demandes sont irrecevables.
Cela signifie qu'il ne pourra mener aucune action en justice contre vous, quand bien même les conditions du vice caché seraient réunies.
Comment préserver votre réputation de vendeur de moto ?
L'importance de la communication écrite
Surtout, ne répondez jamais sous le coup de l’émotion. Écrivez posément, gardez des traces, et soyez courtois.
Mon conseil : si un message de l'acheteur vous met en colère, laissez-le de côté pendant 2-3 jours, puis répondez-y une fois calmé. On ne prend que de mauvaises décisions sous le coup de l'émotion.
Rester poli, clair et professionnel
Même si l’acheteur est agressif, restez droit dans vos bottes : “Je prends note de votre demande. Je vous remercie de m'adresser tout élément démontrant l'existence du vice avant la vente et son caractère caché.”
Faites appel à un avocat si le ton monte
Dès que l’affaire dépasse le simple désaccord, un avocat peut faire redescendre la pression, ou défendre vos droits si nécessaire.
Nous rédigeons habituellement des courriers pour éviter d'aller au procès.
L’importance de l’accompagnement juridique
Quand faire appel à un avocat ?
- Dès qu’une lettre recommandée ou un courrier vous accuse formellement
- Si l’acheteur évoque une action en justice
- Si vous recevez une assignation en justice, c'est-à-dire une convocation au tribunal
Ce qu’un avocat peut faire pour vous
- Contester les accusations en démontant le raisonnement et l'argumentation adverse
- Vous accompagner en expertise judiciaire
- Vous défendre devant le tribunal pour faire échouer le procès de l'acheteur
Préserver vos droits sans conflit inutile
L’objectif n’est pas de faire un procès pour un rien.
Le but est de faire un point sur la situation et de la remettre à plat, afin de déterminer les actions à mener : contester formellement et aller au procès, ou plutôt négocier (dans ce cas, dans quelle limite).
Cas pratiques de défense réussie
Acheteur ayant modifié la moto après la vente
L’expertise a montré que l’acheteur avait "bricolé" le moteur et opéré des modifications : l’origine du problème lui a été imputée et le vice caché a été rejeté.
Expertise concluant à une panne postérieure à la vente
Un moteur a lâché 3 mois après la vente : l’expert a montré que la panne était due à un défaut d’entretien postérieur à la vente.
En résumé : les 6 réflexes à adopter
- Demandez des preuves du vice, idéalement par expertise
- Rassemblez vos justificatifs
- Refusez tout remboursement sans preuve
- Proposez une expertise neutre si besoin
- Faites-vous conseiller par un avocat si nécessaire
Je suis avocat à Bressuire, et j’accompagne au quotidien des propriétaires immobiliers, des artisans et des acheteurs ou vendeurs de véhicules confrontés à des situations juridiques parfois complexes, mais également dans le cadre de problèmes du quotidien.
Vices cachés, travaux mal réalisés, litiges avec un acquéreur, un artisan ou un client : je traite ces dossiers régulièrement.
Mon rôle est de vous permettre de comprendre vos droits, d’identifier les leviers d’action et d’agir rapidement, que ce soit par la négociation ou devant le tribunal.
J'ai choisi de m’installer à Bressuire pour proposer une relation de proximité, humaine et accessible à mes clients.
Je connais vos enjeux, vos contraintes, et m’engage à vous offrir des conseils clairs, concrets et sans jargon inutile.
1. Dois-je rembourser l’acheteur si aucun expert n’a été mandaté ?
Non. Sans preuve formelle, vous n’avez aucune obligation de rembourser l'acheteur.
2. Un SMS d’un garagiste suffit-il comme preuve ?
Non. Il faut une expertise indépendante ou, idéalement, judiciaire.
3. Puis-je être tenu responsable d’une panne apparue 3 mois après la vente ?
Pas forcément. Tout dépend si le vice caché était présent avant, ce qui doit être prouvé par l’acheteur.
4. Et si j’ai été totalement transparent au moment de la vente ?
C’est un atout précieux. Cependant, cela ne changera rien quant au vice caractérisé. En revanche, l'acheteur qui connaissait l'existence du vice avant la vente est tenu de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur, sans que ce dernier n'ait à démontrer qu'il a commis une faute.
5. Vaut-il mieux transiger ou aller jusqu’au bout ?
Chaque situation est unique. Un avocat peut vous aider à choisir la stratégie la plus adaptée, après avoir remis à plat votre affaire.



